Pépite et Josèphe | BétaLab0625 | Mission photographique Estrie
Les créatures de la route en Estrie
Pépite et Josèphe
Conception sonore – Xavier Madore
Dans L’art de marcher, l’écrivaine Rebecca Solnit retrace les rapports unissant l’humain et la marche à travers les âges : « Si une histoire de la marche est possible, elle finit (…) où les corps, au lieu d’habiter le monde, n’habitent qu’à l’intérieur des voitures et des immeubles, tant l’apothéose de la vitesse les a rendus anachroniques et chétifs. » Mais qu’arrive-t-il si, plutôt que le déplacement à pied, ce sont les voitures qui deviennent archaïques, n’ayant pas su s’adapter au rythme naturel du corps? C’est l’hypothèse au cœur du projet Les créatures de la route de Pépite et Josèphe, à l’instar de cette deuxième mouture présentée à l’occasion de la Mission photographique en Estrie.
Les trois corpus en montre sont issus d’une marche de 90 km où, pendant 5 jours, le duo a glané de vieilles pièces de voiture aux abords des routes reliant le centre de diffusion, à Sherbrooke, et leur atelier, à Sutton. Un théâtre d’ombre sonore, un cabinet de curiosités et des collodions humides cryptiques : tous agissent comme étude du déplacement en région, spécifiquement estrienne, sur le territoire ancestral non cédé N’dakina.
En brouillant le nouveau – l’intelligence artificielle – et l’ancien – les codes muséaux et archéologiques –, les artistes donnent à voir un récit uchronique, une histoire alternative de la route, en contraste avec notre époque où la marche comme mode de déplacement est marginalisée. Celle-ci nous redonne ce que l’automobile nous a dérobé : une véritable et profonde connexion avec le territoire, informant nos perceptions des distances et nos manières d’appréhender l’ordinaire et l’extraordinaire qui parsèment l’entre-deux lieux. On peut dire que Pépite et Josèphe agit ici, dans les mots de Solnit, en « marcheur (…) gardien qui veille pour protéger l’ineffable».
Ariel Rondeau
Travailleuse culturelle, commissaire indépendante et autrice
📷 Galerie : Courtoisie des artistes
Hexérastoma – Bouche à six cornes, diptyque d’impressions cyanotypes sur papier aquarelle, 28 x 56 cm, 2024
Hexérastoma – Bouche à six cornes, photographie, dimensions variables, 2024
Hexérastoma – Bouche à six cornes, assemblage scultpural composé de pièces de voitures collectées, 76 x 18 x 41 cm, 2025

